Hommage personnel

Il y a cinq ans (déjà !) disparaissait ma maman. En ce jour anniversaire, j'ai voulu m'arrêter un instant, repenser à elle un peu plus intensément que tous les autres jours de l'année.
Ce poème de Cannon Scott Holland est ma manière à moi de rendre hommage à celle sans qui je ne serais pas devenu l'homme que je suis aujourd'hui.

La mort n’est rien.
Je suis seulement passée dans la pièce à côté.
Je suis moi, vous êtes vous.
Ce que nous étions les uns pour les autres
nous le sommes toujours.
Donnez- moi le nom que vous m’avez toujours donné.
Parlez- moi comme vous l’avez toujours fait,
ne prenez pas un air solennel ou triste.
Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.
Priez, souriez, pensez à moi, priez pour moi.
Que mon nom soit prononcé à la maison
comme il a toujours été,
sans emphase d’aucune sorte, sans trace d’ombre.
La vie signifie ce qu’elle a toujours signifié.
Elle est ce qu’elle a toujours été.
Le fil n’est pas coupé.
Pourquoi serai-je hors de votre pensée ?
Parce que je suis hors de votre vie ?
Je vous attends. Je ne suis pas loin,
juste de l’autre côté du chemin.
Vous voyez. Tout est bien.

Cannon Scott Holland

Le pluriel des jours de la semaine

Vous savez tous que les jours de la semaine (lundi, mardi, etc.) sont des noms communs, donc soumis aux mêmes règles d'accord que les autres noms communs. Ainsi on écrira "tous les lundis, tous les mardis", etc.
Facile.
Oui. Sauf que...

Sauf que vous écrirez "tous les lundi de chaque semaine", mais "tous les lundis de chaque mois".
Qu'est-ce qu'il raconte, le scribouillard de tout le monde ?

Explications du scribouillard :
- Il n'y a qu'un seul lundi (un seul mardi, un seul mercredi, etc.) dans une semaine, donc on laisse le mot au singulier.
- En revanche, il y en a plusieurs dans un mois, donc on le met au pluriel.
Il est donc important de compter mentalement, de remettre ces mots dans leur contexte temporel.

Notez également que "soir" et "matin" restent au singulier dans tous les cas : les mercredis soir, les dimanches matin.

Le français, cette langue si subtile...

Évidement et évidemment

Quand on "m", on ne compte pas.
Oui enfin, là pour le coup il va falloir compter. Car entre évidement et évidemment, un "m" vous manque et tout fiche le camp ! Y compris la prononciation d'ailleurs :
évidement : evidəmɑ̃ / évidemment : evidamɑ̃
En outre, le premier est un nom, et le deuxième est un adverbe.
Le mot évidament (ou sa variante tout aussi incorrecte évidamant) n'existe pas.
Qu'on se le dise. Ou mieux : qu'on se l'écrive. Car je n'ai aucun truc mnémotechnique à vous proposer.

Ne pas confondre : foudre et foudre

Il y a foudre et foudre. L'un est féminin, l'autre est masculin.

Je rappelle que la foudre, celle qui foudroie, est un mot féminin. Et c'est bien ce mot que l'on retrouve dans le fameux coup de foudre. On la représente en général sous la forme d'un éclair (un zigzag).

Et c'est là qu'interviennent, à ma droite les férus de mythologie et à ma gauche les passionnés d'héraldique, pour nous signaler que ces éclairs sont aussi... masculins !


À ma droite : les éclairs tenus en son poing par Jupiter sont des foudres... Lesquels sont masculins.


À ma gauche : le foudre est un meuble héraldique généralement empiété par une aigle (tiens, aigle au féminin... on en reparlera peut-être un de ces quatre), formé par un faisceau de flammes, avec quatre dards en sautoir.



J'ai gardé le meilleur pour la fin : le foudre est un grand tonneau en bois, d'une contenance de 50 à 300 hl. Santé !



On a fait le tour...
Enfin presque.
Car les plus perspicaces auront noté que la toute première illustration de ce billet n'a pas grand-chose à voir, a priori, avec les éclairs ou les tonneaux. Quoique.
Les spécialistes et autres marins d'eau de mer ont reconnu le TCD "Foudre". J'y ai effectué, personnellement, quelques appontages en hélicoptère, dans une autre vie.
Comme TCD est masculin (transport de chalands de débarquement), Foudre l'est aussi, même s'il s'agit à l'origine de la foudre.

Allez, va petit mousse, le vent te pousse.

Implémenter

Adorateurs invétérés des anglicismes, bonjour. Si vous le permettez, je vais aujourd'hui faire sa fête au verbe implémenter, ayant toutefois bien conscience que cela ne vous empêchera nullement de l'utiliser.

Il s'agit donc d'un héritage direct de l'anglais, le verbe to implement signifiant, dans la langue de Shakespeare, rendre effectif, augmenter. Implémenter est un verbe utilisé exclusivement dans le domaine informatique. Donc, hors celui-ci, point de salut.
L'implémentation signifie la mise en place sur un ordinateur d'un système d'exploitation ou d'un logiciel adapté aux besoins et à la configuration informatique de l'utilisateur. (Larousse)

Si on y regarde de plus près, on comprend aussi qu'on pourrait avantageusement remplacer implémenter et implémentation par installer et installation... Mais avouez que ça fait moins "geek".
L'ennui, c'est que cet anglicisme a furieusement tendance à déborder de son domaine initial pour être employé à toutes les sauces, à un tel point que c'en est ridicule.

Alors, avant de dire que l'entreprise Machin & Cie a implémenté une nouvelle chaîne de production, demandez-vous s'il ne serait pas plus élégant de dire qu'elle a, tout simplement, mis en place cette nouvelle chaîne...
Et, par pitié, n'ayez pas peur de passer pour des ringards !

Bonne fête les mamans !

Je souhaite une très belle fête à toutes les mamans qui passent par ici, et je les embrasse à défaut de pouvoir serrer la mienne dans mes bras.
Que ce jour vous soit doux et rempli de bonheur (le seul jour de l'année où on peut se permettre de vous offrir un collier de nouilles).
Voici, en guise de cadeau, un petit texte qu'il est peut-être encore temps d'apprendre par coeur pour le réciter à votre maman adorée au moment du dessert :

Pour ma maman que j’aime
J’ai mis dans un poème
Un « a », un « i », un « m »
Un « e » pour dire « je t’aime »

Un « a » au chocolat
Un « i » à la chantilly
Un « m » avec de la crème
Un « e » très amoureux

Et j’ai fait un gâteau
Que nous mangerons bientôt
En récitant ce poème
Pour ma maman que j’aime



La fourmi

Cette semaine, je vous propose ce tout petit poème adorable de Robert DESNOS (1900-1945), que vos chères têtes blondes vous ont probablement déjà récité... Et que vous-mêmes avez certainement appris.


La fourmi

Une fourmi de dix-huit mètres
Avec un chapeau sur la tête,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.

Une fourmi traînant un char
Plein de pingouins et de canards,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.

Une fourmi parlant français,
Parlant latin et javanais,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Eh ! Pourquoi pas ?

Le pluriel d'euro

Question à cent balles (pardon, à 1 euro) : faut-il mettre un "s" à euro au pluriel ?

Vous avez tous déjà entendu parler de cette "polémique".
Soyons clairs : euro est un nom commun (comme franc, centime, dollar, etc.) et il suit donc les règles habituelles et connues de tous (quoique) du pluriel. On écrira donc dix euros.
D'ailleurs, le Journal officiel du 2 décembre 1997 entérine définitivement ce principe.

Quid, alors, de la "polémique" ?
Vous avez votre porte-feuille sous la main ? Sortez un billet de dix euros (ou tout autre bifton, ça marche à tous les coups). Que lisez-vous ?
...
"10 EURO"
Voilà, vous venez de trouver l'origine de la "polémique", qui n'en est pas une en fait (sauf pour celles et ceux qui n'avaient pas connaissance de ce qui va suivre. Question de culture générale...) :
s'il n'y a pas de "S" sur les billets de banque, c'est tout simplement parce que les règles d'orthographe ne sont pas les mêmes dans tous les pays utilisant la monnaie européenne. Pour éviter de froisser les uns ou les autres et, surtout, pour ne pas se compliquer la vie, on a donc décidé d'opter pour l'orthographe la plus "internationale", donc sans "S".
Et ce même si le français est une des trois langues officielles de travail de l'Union européenne...

Ah oui, dernière petite chose : on écrit euro sans majuscule. Comme franc. Et si Clovis fut roi des Francs, ça ne signifie pas pour autant que Bruxelles est la capitale des Euros !

Citation de Paul Valéry (2)

Le style, pour l'écrivain aussi bien que pour le peintre, est une question non de technique mais de vision.
Paul VALÉRY

Icone ou icône ?

Tiens, encore une histoire de chapeau, doublée d'un problème de genre : icone ou icône ? féminin ou masculin ?

Je vais faire court : vous ne vous tromperez jamais en écrivant dans tous les cas, et donc tous les sens du mot, une icône.
La version sans accent circonflexe n'est que tolérée, même si elle figure dans certains dictionnaires. Il s'agit d'une orthographe héritée, encore une fois, de l'anglais (icon).
Il en va de même pour le genre.
Inutile, donc, de vous compliquer la vie pour rien. L'orthographe française est bien assez déroutante pour ne pas avoir à en rajouter une couche.

Ne pas confondre : fort, for et fors

Fort, for et fors : voici un autre trio d'homophones qui peut poser quelques soucis orthographiques. Et si, en mon for intérieur, je suis convaincu que la plupart d'entre vous saura se sortir haut la main de ces pièges potentiels, il y a fort à parier que ce qui suit va être utile à quelques autres, pour lesquels tout pourrait être perdu, fors l'honneur...

Commençons par le plus "facile" des trois, puisque le plus répandu :
Fort : il y a le nom, l'adjectif et l'adverbe. Je vous renvoie à votre dictionnaire préféré pour y lire toutes les définitions possibles de ce mot.
Truc pour se souvenir qu'il faut un "t" au mot désignant un château : pensez à fortin.
Pour l'adjectif : pensez à son féminin, forte.
Pour l'adverbe, ne pensez pas, retenez : il faut un "t" !

Voyons maintenant les deux autres, beaucoup moins utilisés, et pour cause :

For : il est aujourd'hui essentiellement utilisé dans l'expression "en mon (ton, son, etc.) for intérieur", qui signifie au fond de soi-même. C'est, en quelque sorte, le tribunal de sa conscience. En effet, le mot est emprunté au vocabulaire juridique, le for (extérieur ou externe) désignant l'autorité de la justice humaine s'exerçant sur les personnes et sur les biens. On trouvera aussi le for ecclésiastique, juridiction temporelle de l'Église.
Bref, ce sont là les seuls cas où for s'écrit aussi simplement.

Fors : vieux mot français directement hérité du latin foris. Signifie excepté, hormis. Vous connaissez très certainement le fameux mot attribué à François 1er après la défaite de Pavie, et que j'ai paraphrasé au début de ce billet : "Tout est perdu, fors l'honneur !" Et c'est d'ailleurs, aujourd'hui, un des très rares cas où on retrouve encore ce mot, à l'orthographe quelque peu déroutante.

Trop fort, ce billet...

K comme...

Petite liste de mots commençant par la lettre K, de kaki à k-way...
Ce choix est totalement subjectif et plus inspiré par des considérations personnelles que littéraires.




Kaki
La couleur dominante d'une vie antérieure, aujourd'hui épisodique.

Kāmasūtra
Saviez-vous que cette œuvre se composait de sept livres ? Dont un seul, et c'est le plus connu, traite de sport en chambre (et encore, ce n'est qu'un chapitre du livre). Bref, les esprits curieux n'auront pas manqué de s'intéresser au contenu des six autres livres...

Karaoké
Pas trop ma tasse de thé, même si je me suis plié plusieurs fois à cette activité douloureuse pour les oreilles (des autres, dont certaines s'en souviennent peut-être encore !).

Karpov (et Kasparov)
Vers l'âge de 12-13 ans, je me suis pris de passion pour les échecs (apprentissage dispensé par mon prof de techno de l'époque, au collège Pierre Loti de Rochefort-sur-Mer). C'est à partir de cette période que j'ai donc commencé à m'intéresser à ces deux grands champions. Ce qui me renvoie paradoxalement à l'actualité du moment, où l'on voit que les Russes, excellents joueurs d'échecs, sont en train de mener le monde occidental par le bout du nez...

Kart
Il faudrait que je m'y remette, histoire de tenir la dragée haute aux plus jeunes (fils et gendre)...

Kawa
Ou caoua. Le café, sous toutes ses formes, sous toutes les latitudes, et parfois dans des conditions très particulières. Sans sucre pour moi, merci. Sucrer son café, c'est comme mettre du coca dans du vin (français). Une hérésie.

Képi
J'en possède quelques-uns, témoins de ma carrière militaire. Saviez-vous qu'il fut introduit dans l'armée française en 1861 ? Il remplaça alors le shako, que les Cyrards portent encore...

Kérosène
Ma mémoire olfactive garde une place privilégiée pour l'odeur du kérosène brûlé, synonyme pour moi (comme pour quelques-uns de mes fidèles lecteurs) de vols en hélicoptère, de souvenirs dacquois, puis bretons, lorrains, picards, mais aussi de ponts d'envol...

Khâgne
Ayant préparé (et réussi) le concours Lettres d'entrée à Saint-Cyr, je suis un peu un ancien Khâgneux. Kube de surcroît. Et là encore, une montagne de souvenirs et plein de copains. L'une de mes filles a été une vraie Khâgneuse, elle.

Kilo
J'ai longtemps été un "chat maigre". Mon surnom, en prépa, était "Tâdoss", finalement et heureusement supplanté par "Bibs", qui me sied mieux depuis quelques années... Car il s'empâte, pépère ! Oh, rien de dramatique, mais quand même...

Kimono
Le judo a été un des nombreux sports que j'ai pratiqués. Pas longtemps, certes. Juste le temps de décrocher la ceinture jaune. Mon premier kimono doit encore dormir dans une malle, quelque part en Charente Maritime...

King
Stephen, bien sûr. J'ai lu mon premier Stephen King dans les années 80 (82 ou 83, je crois), sur les conseils d'un ami aujourd'hui décédé... Depuis, j'ai tout lu de cet auteur. Et ce n'est pas fini (pour info, le dernier roman du maître de l'horreur vient de sortir en France, et j'en débute tout juste la lecture).

Kop
Amis allergiques au monde du foot, lisez ce paragraphe jusqu'au bout : vous allez tout de même apprendre quelque chose d'intéressant...
Au cas où il y aurait encore des lecteurs ignorant la signification de ce mot, il s'agit des tribunes les plus animées d'un stade, car regroupant les plus fervents supporters de l'équipe locale. Le plus beau, en France, est probablement celui de Lens (avis très subjectif, je le concède !). Saviez-vous que ce terme nous vient des Anglais qui furent les premiers à nommer ainsi une tribune (la Spion Kop, à Liverpool, en 1905), en souvenir des 900 soldats anglais morts lors de la guerre des Boers, alors qu'ils essayaient, vainement, de prendre la colline du même nom. Le mot fut ensuite importé en France dans les années 80 pour désigner la ou les tribunes les plus "chaudes" d'un stade.

Kosovo
J'y ai passé 10 mois de ma vie, en deux séjours espacés de 4 ans. Je n'entrerai pas ici dans des considérations géopolitiques. Je veux juste témoigner du fait que j'ai découvert qu'il y avait encore, au XXIe siècle, des pays en Europe où les conditions de vie tenaient plus du siècle de Rousseau que de celui d'Alain Finkielkraut...

K-way
Je me souviens encore de mon premier k-way : orange, à enfiler par la tête. Imperméable, mais pas trop longtemps. Quant à la capuche... Je vous renvoie au sketch de Dany Boon...

Le dico selon Baffie

C'est dimanche. Et c'est le joli mois de mai ! On sourit !
Je vous propose donc quelques définitions piochées dans le bouquin de Laurent Baffie, Le dictionnaire de Laurent Baffie (Éditions KERO, 2012). Je ne porte pas particulièrement dans mon cœur ce monsieur, mais je dois admettre que son livre est particulièrement drôle (et à ne pas mettre entre des mains chastes !).


Applique : éclairage qu’il ne faut jamais redresser quand on sort du bain (même le lundi au soleil).

Archéologue : type qui s’en fout plein les fouilles.

Beaujolais : mauvais pinard qui pète plus haut que son cru.

Belle-mère : vision futuriste de sa propre femme.

Castrat : chanteur hors paire.

Corbeau : l’être anonyme.

Créneau : équation féminine.

Dictionnaire : mot dans lequel il y a tous les autres.

Enterrement : dernière sortie en boîte.

Grammaire : règles douloureuses.

Kebab : roulette turque.

Majeur : doigt indispensable pour conduire dans Paris.

Ménopause : poursuite du jeu sans les règles.

Oraison : compliment auquel l’intéressé ne peut pas répondre.

Polichinelle : marionnette beaucoup moins drôle quand elle est dans le tiroir.

Temps : mon passé très présent rend mon futur imparfait.

Trésor : fait rêver quand il est privé et peur quand il est public.

Vacherie : petite vengeance bien ruminée.

Vasectomie : au revoir les enfants !

Ventilateur : appareil qui brasse de l’air. Synonyme : commentateur sportif.

Viager : principe amoral qui consiste à investir dans la pierre en espérant qu’elle soit vite tombale.

Bon dimanche !


L'alphabet vu par Victor Hugo


On est samedi, certes mais aujourd'hui je vous propose, plutôt qu'un poème, cet extrait de Alpes et Pyrénées, de Victor Hugo. Il fait écho au poème de la semaine dernière. Une autre approche de notre alphabet, en quelque sorte !



En sortant du lac de Genève, le Rhône rencontre la longue muraille du Jura qui le rejette en Savoie jusqu’au lac du Bourget. Là, il trouve une issue et se précipite en France. En deux bonds il est à Lyon.
"Au loin sur les croupes âpres et vertes du Jura les lits jaunes des torrents desséchés dessinaient de toutes parts des Y.
"Avez-vous remarqué combien l’Y est une lettre pittoresque qui a des significations sans nombre ? – L’arbre est un Y ; l’embranchement de deux routes est un Y ; le confluent de deux rivières est un Y ; une tête d’âne ou de bœuf est un Y ; un verre sur son pied est un Y ; un lys sur sa tige est un Y ; un suppliant qui lève les bras au ciel est un Y.
"Au reste cette observation peut s’étendre à tout ce qui constitue élémentairement l’écriture humaine. Tout ce qui est dans la langue démotique y a été versé par la langue hiératique. L’hiéroglyphe est la racine nécessaire du caractère. Toutes les lettres ont d’abord été des signes et tous les signes ont d’abord été des images.
"La société humaine, le monde, l’homme tout entier est dans l’alphabet. La maçonnerie, l’astronomie, la philosophie, toutes les sciences ont là leur point de départ, imperceptible, mais réel ; et cela doit être. L’alphabet est une source.
"A, c’est le toit, le pignon avec sa traverse, l’arche, arx ; ou c’est l’accolade de deux amis qui s’embrassent et qui se serrent la main ; D, c’est le dos ; B, c’est le D sur le D, le dos sur le dos, la brosse ; C, c’est le croissant, c’est la lune ; E, c’est le soubassement, le pied-droit, la console et l’architrave, toute l’architecture à plafond dans une seule lettre ; F, c’est la potence, la fourche, furca ; G, c’est le cor ; H, c’est la façade de l’édifice avec ses deux tours ; I, c’est la machine de guerre lançant le projectile ; J, c’est le soc et c’est la corne d’abondance ; K, c’est l’angle de réflexion égal à l’angle d’incidence, une des clefs de la géométrie ; L, c’est la jambe et le pied ; M, c’est la montagne, ou c’est le camp, les tentes accouplées ; N, c’est la porte fermée avec sa barre diagonale ; O, c’est le soleil ; P, c’est le portefaix debout avec sa charge sur le dos ; Q, c’est la croupe avec sa queue ; R, c’est le repos, le portefaix appuyé sur son bâton ; S, c’est le serpent ; T, c’est le marteau ; U, c’est l’urne ; V, c’est le vase (de là vient qu’on les confond souvent)  ; je viens de dire ce qu’est l’Y ; X, ce sont les épées croisées, c’est le combat ; qui sera vainqueur ? on l’ignore ; aussi les hermétiques ont-ils pris X pour le signe du destin, les algébristes pour le signe de l’inconnu ; Z, c’est l’éclair, c’est Dieu.
"Ainsi, d’abord la maison de l’homme et son architecture, puis le corps de l’homme, et sa structure et ses difformités ; puis la justice, la musique, l’église ; la guerre, la moisson, la géométrie ; la montagne, la vie nomade, la vie cloîtrée ; l’astronomie ; le travail et le repos ; le cheval et le serpent ; le marteau et l’urne, qu’on renverse et qu’on accouple et dont on fait la cloche ; les arbres, les fleuves, les chemins ; enfin le destin et Dieu, - voilà ce que contient l’alphabet.

La litote

La litote est une figure de style consistant à affaiblir l'expression de la pensée pour laisser entendre plus qu'on ne dit.
Elle est très répandue, y compris dans le langage courant. Tout le monde connaît (et a déjà utilisé) la célèbre "ça ne sent pas la rose" pour dire que ça sent mauvais.
Voici d'autres exemples de litotes...

  • Il ne laissera pas que des regrets (on le déteste).
  • Ils ne partiront pas en vacances ensemble (ils se haïssent. Une des litotes préférées de feu Thierry Roland).
  • Ne pas se le faire dire deux fois (agir immédiatement).

Et pour terminer sur une note plus littéraire :

  • « Ce n’était pas un sot, non, non, et croyez-m’en,
    Que le chien de Jean de Nivelle, »
    La Fontaine (Le Faucon et le Chapon)

Complexe et compliqué

Complexe ou compliqué ? Lequel de ces deux termes utiliser ?

ComplexeQui contient plusieurs parties ou plusieurs éléments combinés d'une manière qui n'est pas immédiatement claire pour l'esprit [...]

CompliquéCe qui est difficile à démêler, à comprendre.
(définitions Larousse).

On peut penser que ces deux adjectifs sont synonymes. D'ailleurs, dans de nombreuses situations, on peut les interchanger sans modifier fondamentalement le sens de l'idée exprimée.
Toutefois, et la langue française regorge de ce genre de cas, il y a une nuance, subtile et pas toujours facile à appréhender. Prenons un exemple.
"Nous voici confrontés à un problème complexe" n'a pas tout à fait la même signification que "Nous voici confrontés à un problème compliqué". Dans la première phrase, on sent bien qu'il s'agit d'un problème composé de nombreuses ramifications, questions, situations qui sont elles-mêmes difficiles à comprendre. Le tout est complexe.
Dans la deuxième phrase, on comprend que le problème n'est pas facile à résoudre, mais qu'avec de la méthode, en le décomposant en sous-problèmes simples, on va arriver à ses fins.

Oui, je sais : ça peut sembler tiré par les cheveux. Gardons toutefois à l'esprit que la langue française est complexe (en particulier parce que son vocabulaire est très riche), ce qui rend parfois son maniement compliqué...

Ne pas confondre : foret et forêt

La fâcheuse tendance à ne plus accentuer les lettres qui devraient l'être est une source inépuisable de fautes d'orthographe grossières. Ainsi en va-t-il de forêt et foret. Faites le test : tapez foret dans votre moteur de recherche d'images préféré : vous allez obtenir une multitude de photos de... forêts. La première image de foret n'apparaît que loin, très loin dans les résultats proposés.
En français, faut-il encore le répéter, les accents sont primordiaux.
Donc, si vous voulez parler de votre dernière balade dominicale, vous écrirez que la forêt était magnifique. Par contre, si vous nous faites part de vos dernières mésaventures en matière de bricolage du dimanche, vous nous confierez que le foret de 8 à pointe en tungstène vous a permis de massacrer le carrelage de la salle de bains, tout ça pour fixer un vulgaire porte-serviette.
Bref, si vous allez vous promener en forêt, n'oubliez pas votre chapeau...

Bob, Julie et les autres

Non, je ne vais pas vous parler aujourd'hui des amours de Julie Lescaut avec Bob l'éponge (j'ai refilé, à bon prix, le tuyau à Closer).
Je voudrais juste aborder, en quelques lignes, la question des dictionnaires de français. Car il y a dictionnaire et dictionnaire. Vous pouvez d'ailleurs en retrouver une liste assez complète ici.
J'ai longtemps cru, naïvement (et il y a fort, fort longtemps), que tous les dictionnaires étaient identiques dans leur contenu : définitions semblables, mêmes mots, ... Évidemment ce n'est pas le cas. À tel point que certains mots, référencés dans tel dico, ne le sont pas dans tel autre. Je ne parle même pas des polémiques et autres guerres de clochers que cela peut  déclencher.
D'où la question existentielle suivante : quel est le meilleur dictionnaire de français ? Larousse ? Robert ? Hachette ? Celui de l'Académie française ? Autre ?
Question subsidiaire : les dictionnaires en ligne (dont beaucoup sont totalement gratuits) sont-ils aussi "fiables" que les versions papier (onéreuses) ?
Personnellement, je possède le Robert 2014, venu remplacer avantageusement un Larousse hors d'âge. Mais j'utilise aussi abondamment les dictionnaires en ligne. Si, pour les mots courants, un site comme celui de Larousse est largement suffisant, en revanche dès qu'il s'agit de creuser un peu, il faut varier et croiser ses sources. Je ne vous ferai pas de liste à la Prévert ici et vous renvoie au lien figurant au début de cet article. Vous y découvrirez quelques pépites.
Je n'oublie pas (parce que je l'utilise régulièrement) Wikipédia. Aussi controversé soit-il, il n'en reste pas moins une source de connaissances appréciable et surtout gratuite... Qui nécessite toutefois de vérifier ce que l'on y puise...
Tout ça pour dire qu'il ne faut pas hésiter à fureter et à varier ses sources. Quant à savoir ce qui est le mieux entre le bon vieux dico papier et une version numérisée, tout est question d'usage. Si j'apprécie la souplesse des versions électroniques, je prends toujours un réel plaisir à feuilleter mon dico papier, au hasard des pages et des trésors qu'elles contiennent (il me faut juste chausser des lunettes de lecture, car je ne peux pas changer en un clic la taille des caractères !).

On ne dit pas (2)

Comme promis dimanche dernier, voici une deuxième couche de "On ne dit pas..."
Parce que, comme dirait Thérèse, le calembour c'est fin, c'est très fin, ça se mange sans faim.


On ne dit pas...

  • … Acide aminé, mais Ecstasy du chat
  • … Cercueil de Lorraine, mais bière d'Alsace
  • … Concierge, mais stupide bougie
  • … Des rapatriés, mais des rongeurs en vrac
  • … Il a des CD, mais il est mort
  • … Javelliser, mais j’avais lu
  • … Le gospel, mais l’enfant a un coup de soleil
  • … Mélodie en sous-sol, mais gare la voiture au parking
  • … Polémiquer, mais Paul et sa souris
  • … Se faire frapper par un vieillard, mais prendre un coup de vieux



Voyelles

Je suis sûr que vous connaissez ce poème d'Arthur Rimbaud, qui a toute sa place sur ce blog !

Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombrelles
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins de mères virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein de strideurs étranges,
Silences traversés de Mondes et d'Anges :
- O l'Omega, rayon violet de Ses Yeux !

Pure player

Pure player.
Pardon ?
...
Could you speak french, please ?
C'est vrai, pourquoi dire "pure player", alors qu'on peut dire, en bon français, "tout en ligne" ? Ça fait moins "branché" ? Certes, encore que ce soit là un avis tout ce qu'il y a de discutable.
Donc, si vous entendez parler d'un éditeur pure player, traduisez par "un éditeur tout en ligne", c'est-à-dire exerçant exclusivement sur Internet. Même chose pour un journal (autre exemple très répandu).
Voir aussi, à ce sujet, l'avis très officiel émis par la Commission générale de terminologie et de néologie dans le Journal officiel du 23 mars 2014. Je n'ai rien inventé.

Citation de Joseph Joubert

Pour bien écrire, il faut une facilité naturelle et une difficulté acquise.
Joseph JOUBERT

En termes de...

Première question : doit-on écrire "en terme de" ou "en termes de" ? La plupart d'entre vous la jouent à pile ou face, j'en suis sûr.

Deuxième question : doit-on écrire "en terme(s) de" ou "en matière de " ? La réponse risque d'en surprendre plus d'un.

En ce qui concerne la première question, c'est assez facile : "en termes de" s'écrit toujours au pluriel. Il faut comprendre ici termes dans le sens de "mots". On pourrait donc aussi dire "dans le vocabulaire de", "dans le langage de".
Exemple : en termes de médecine, un mal de tête s'appelle une céphalée.

La réponse à la deuxième question est liée à la précédente. En effet, si vous n'êtes pas dans le cas de figure évoqué ci-dessus, alors il vous faut utiliser "en matière de". Ainsi, si vous voulez parler, par exemple, du confort d'un canapé, vous écrirez : En matière de confort, ce canapé est un des meilleurs du marché. Vous pouvez remplacer "en matière de" par "pour ce qui est du (de la, des)".
L'utilisation abusive et incorrecte de "en termes de" au lieu de "en matière de" est, encore une fois, la conséquence d'une mauvaise réutilisation d'une expression anglaise ("in terms of").

Ceci étant dit et cette erreur étant de plus en plus rencontrée, elle finit par être tolérée. Simplification ou/et appauvrissement de la langue française ? Vaste débat, que je vous laisse le plaisir de lancer lors de votre prochain dîner culturel.

Process

Process : encore un anglicisme envahissant, utilisé à tort et à travers, en lieu et place de mots français pourtant aussi simples, mais plus précis. Mots au pluriel, car on parle ici soit de processus, soit de procédure. Est-ce justement cette nuance, mal maîtrisée, qui amène de plus en plus de personnes à utiliser process ? Probable...
Le plus drôle, dans l'affaire, c'est que le mot anglais process vient du mot français processus (lequel est directement hérité du latin processus, dérivé du verbe procedere, qui a lui-même donné procéder et procédé. La boucle est bouclée !).

Le dictionnaire (Larousse en l'occurrence) nous donne, pour processus, les définitions suivantes :
Enchaînement ordonné de faits ou de phénomènes, répondant à un certain schéma et aboutissant à quelque chose [...] Suite continue d'opérations, d'actions constituant la manière de faire, de fabriquer quelque chose [...] Manière que quelqu'un, un groupe, a de se comporter en vue d'un résultat particulier répondant à un schéma précis.

Le même dico nous dit, à propos de procédé :
Manière d'agir, de se comporter [...] Manière de s'y prendre, méthode pratique pour faire quelque chose [...] Recette toute faite visant à obtenir artificiellement un résultat avec peu de moyens.

Rien de tel qu'un exemple pour (essayer de) saisir la nuance entre ces deux termes :
Le processus de fabrication d'un objet est la suite continue des opérations nécessaires à ladite fabrication.
Le procédé de fabrication désigne la manière de s'y prendre.
...
?
...
Bon, c'est vrai : il est tellement plus simple de dire, dans les deux cas, process... Absolutely, sir !

On ne dit pas (1)

L'art du calembour fait partie intégrante de notre langue. Plus ou moins lourds ou tirés par les cheveux, les calembours sont un excellent exercice pour les zygomatiques. On ne va donc pas s'en priver !
Voici donc une première sélection, très personnelle et qui sera complétée par une deuxième série dimanche prochain, des fameux "On ne dit pas".

On ne dit pas...
  • … Balcon, mais soirée nulle
  • … C’est l'Amazone, mais c’est là que j'habite
  • … Dégâts des eaux, mais des marins
  • … Il fait des courbettes, mais ce prof est nul
  • … La maîtresse d'école, mais l’institutrice prend l'avion
  • … L’idole des jeunes, mais Johnny casse la croûte
  • … Pays dangereux, mais Paradis
  • … Pinailleur, mais mari infidèle
  • … Sexologie, mais sport en chambre
  • … Un ingrat, mais un petit gros


Le rat et l'éléphant

À méditer...

Le rat et l'éléphant

Se croire un personnage est fort commun en France.
On y fait l'homme d'importance,
Et l'on n'est souvent qu'un bourgeois :
C'est proprement le mal François.
La sotte vanité nous est particulière.
Les Espagnols sont vains, mais d'une autre manière.
Leur orgueil me semble en un mot
Beaucoup plus fou, mais pas si sot.
Donnons quelque image du nôtre
Qui sans doute en vaut bien un autre.
Un Rat des plus petits voyait un Éléphant
Des plus gros, et raillait le marcher un peu lent
De la bête de haut parage,
Qui marchait à gros équipage.
Sur l'animal à triple étage
Une Sultane de renom,
Son Chien, son Chat et sa Guenon,
Son Perroquet, sa vieille, et toute sa maison,
S'en allait en pèlerinage.
Le Rat s'étonnait que les gens
Fussent touchés de voir cette pesante masse :
Comme si d'occuper ou plus ou moins de place
Nous rendait, disait-il, plus ou moins importants.
Mais qu'admirez-vous tant en lui vous autres hommes ?
Serait-ce ce grand corps qui fait peur aux enfants ?
Nous ne nous prisons pas, tout petits que nous sommes,
D'un grain moins que les Éléphants.
Il en aurait dit davantage ;
Mais le Chat sortant de sa cage,
Lui fit voir en moins d'un instant
Qu'un Rat n'est pas un Éléphant.

Jean de La Fontaine

Dictons de mai

Ah, Le joli mois de mai ! Voici quelques dictons, parmi de nombreux autres, qui accompagnent ce cinquième mois de l'année si apprécié des Français, tant il est riche de senteurs (de muguet, mais pas seulement)... Et de ponts, voire de viaducs.

  • Rosée du soir et fraîcheur de mai appellent du vin et beaucoup de foin.
  • Le mois de mai, de l'année, décide la destinée.
  • Pendant le joli mois de mai, couvre-toi plus que jamais.
  • Plus mai est chaud, plus l'an vaut.
  • Petite pluie de mai, tout le monde est gai.
  • Mai sans rose rend l'âme morose.
  • Lorsque mai sera chaud, septembre rira haut.
  • Que mai soit venteux ou clair, toute récolte aura bon air.

Et le plus connu de tous pour la fin :
  • En avril, ne te découvre pas d'un fil. En mai fais ce qu'il te plaît.

Le temps du muguet

En ce premier jour de mai, le poème ci-dessous s'imposait.
Bonne fête de 1er Mai à tous.

Le temps du muguet

Il est revenu le temps du muguet
Comme un vieil ami retrouvé
Il est revenu flâner le long des quais
Jusqu'au banc où je t'attendais
Et j'ai vu refleurir
L'éclat de ton sourire
Aujourd'hui plus beau que jamais
Le temps du muguet ne dure jamais
Plus longtemps que le mois de mai
Quand tous ses bouquets déjà se sont fanés
Pour nous deux rien n'aura changé
Aussi belle qu'avant
Notre chanson d'amour
Chantera comme au premier jour
Il s'en est allé le temps du muguet
Comme un vieil ami fatigué
Pour toute une année pour se faire oublier
En partant il nous a laissé
Un peu de son printemps
Un peu de ses vingt ans
Pour s'aimer pour s'aimer longtemps.

Francis Lemarque

Citation de Jean Cocteau

Écrire est un acte d'amour. S'il ne l'est pas il n'est qu'écriture.
Jean COCTEAU